prémices d'une grande histoire – sixièmes années

Trois rangées de pupitres d'écoliers se situaient face au bureau de l'enseignant derrière lequel se trouvait une chaise gothique au dossier démesurément grand. Deux imposants tableaux noirs flanquaient la table et précédaient une fenêtre chacun. Des petites étagères – parfois débordantes d'objets et de livres – meublaient les extrémités de la salle. Plusieurs bougies flottaient paisiblement dans les airs. Dans la mesure où le soleil s'apprêtait à se lever et n'éclairait donc pas encore la classe, elles se chargeaient de ce travail. Déjà présent, Adrian patientait silencieusement. Assis sur sa propre paillasse, il restait de marbre et observait continuellement la porte d'entrée. Vêtu d'une chemise blanche aux manches retroussées, l'amateur de runes magiques montrait ouvertement ses nombreux tatouages ancrés sur l'épiderme de ses avant-bras.

En sa qualité de professeur de Sortilèges, Arthfæl élaborait son programme scolaire et l'enseignait à la seule condition qu'il soit lu et approuvé par le Ministère de la Magie – donc qu'il corresponde implicitement à leur philosophie de l'enseignement. Conscient de la charge de travail demandée à partir de la cinquième année, il dispensait d'ores et déjà des séances de soutien ou d'approfondissement facultatives en plus des heures officielles. Déception pour les dormeurs : elles se déroulaient à l'aube puisque selon lui l'avenir appartenait à ceux qui se levaient tôt. Adrian avait toujours été matinal et efforçait les autres à le devenir.

Plus douteux encore, même si le professeur organisait ces séances dans l'intérêt des élèves, il dissimulait une arrière-pensée vraisemblablement malsaine. Ce dernier tâtait le terrain avant de sérieusement prendre sous son aile des étudiants. Nouvel arrivant dans le corps enseignant, Arthfæl ne manquait pas d'ambition à l'école de sorcellerie de Poudlard.

Les adolescentes et adolescents entraient muettement dans la salle de classe. Ils devaient encore émerger de leur sommeil. Ceci expliquait certainement cela. Pire encore, ces pauvres devaient à tous les coups mourir de faim étant donné que le petit-déjeuner dans la grande salle était programmé aux alentours de sept heures et demie. À vrai dire, ils n'auront pas la possibilité d'y assister en participant à ce cours. Fort heureusement, Adrian avait anticipé la situation. D'un claquement de doigts soudain, il dévoila aux yeux de tous une table généreusement garnie en viennoiseries, œufs et thés. Il n'y avait étrangement pas de café. Cela était volontaire car Adrian détestait cela et ne voulait pas voir des jeunes en boire.

— Bonjour à tous, j'espère que vous allez bien et que vous êtes en forme. Je vous laisse une quinzaine de minutes pour déjeuner si jamais ce n'est pas fait. Pendant ce temps, réfléchissez aux notions que vous voulez réviser ou approfondir.

À la fin de sa phrase, le professeur Arthfæl tourna son visage en direction de l'un des deux tableaux. Dès lors, dès qu'une personne dans la salle énonçait un élément qu'elle aimerait revoir, une sorte de craie invisible l'écrivait sur ce même tableau noir. Les mots apparaissaient clairement, le bruit de la craie contre l'ardoise était bel et bien audible, mais aucun bâtonnet ne lévitait à proximité.

Quelle plaie. Un cours non pas à sept, non pas à huit, non pas à neuf ... Je peux le faire encore longtemps. Mais à six heures du matin ! C'est mon aîné tout craché ça. Je suis sûr qu'il a encore en tête la devise idiote qu'il aime bien prononcer à chaque fois qu'il se lève et qu'il se regarde dans la glace : « l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ». Mon œil ouais ... Il en faisait des grasses matinées ! Quoi qu'il arrive, il organise son cours à cette heure très matinale et adore le faire. Pourtant, je n'ai jamais réussi à accrocher et à avoir le bon rythme. En même temps, je ne m'aide pas beaucoup, en dormant relativement tard, le réveil est forcément difficile. D'autant plus que je suis quelqu'un qui a le sommeil profond et qui réclame de longues heures au lit. Mais bon, que voulez-vous, quand il faut y aller, faut y aller !

Me voilà dans la salle de sortilèges, son repaire préféré. Lorsque j'arrive, je me rends compte que des élèves bénéficient d'un bon petit déjeuner. Des œufs et des viennoiseries, mon frère sait être sympathique quand il le veut ! Tandis qu'une partie se goinfre, l'autre indique visiblement les sortilèges qu'elle convoite. Personnellement, je n'ai pas trop le temps pour ça et je me concentre davantage sur le petit festin qui m'attends. Des croissants, des pains au chocolat ... La liste est longue, je crois que je vais tout manger ! Je mets la main ici, par là, je prends un peu de thé, il y a aussi des œufs ! Sachant que je suis encore dans les vapes, c'est un bon moyen de se mettre dans le bain, oh que oui !

Bon. Je ne vais pas abuser et en laisser pour les autres. D'ailleurs, j'ai remarqué que mon aîné me regardait très curieusement. Non, il me regardait très mal. Allez savoir pourquoi ! Je décide alors de m'installer à côté d'un élève qui portait une attention particulière au tableau. À chaque fois qu'un étudiant dictait oralement un sortilège, celui-ci apparaissait au tableau. Plutôt cool ! Sortilège d'Aguamenti ? Je fais ça les doigts dans le nez ! Bien évidemment, c'est un de mes énièmes mensonges et je cherche à me la raconter auprès de mon camarade de classe. D'ailleurs, je me demande bien où je me trouve ; la plupart des visages ne me reviennent pas. Eh bonhomme, c'est pour qui le cours, au juste ? Je sollicite mon voisin et je ne peux qu'afficher des gros yeux à l'entente de sa réponse. BON SANG. Je me suis levé à SIX heures pour un cours qui s'adresse aux élèves de sixième année ?! Quel idiot je suis ! Alors là, je l'ai mauvaise ... Les viennoiseries ne suffisent pas à me consoler et me voilà dans de beaux draps. Tant qu'à faire, maintenant que je suis là ... Autant rester. À part si mon aîné décide de me mettre à la porte, auquel cas je lui ferai sa fête à celui-là !