Tout le monde aime les rebelles. (PV)

Il lui fallait ce bouquin.
Naturellement, Louve savait qu'elle n'avait pas le droit de se rendre dans la réserve. De plus, aucun professeur ne lui aurait autorisé la lecture d'un tel volume alors qu'elle n'était âgée que de quinze ans et demi. Cela dit, n'étant pas du genre à baisser les bras aussi facilement, la jeune sorcière songea qu'il n'y avait qu'une seule solution : se rendre elle-même dans la réserve de la bibliothèque. En pleine nuit. Seule.

Il fallait croire que d'être la fille d'un loup-garou rendait même la plus élégante des jeunes filles franchement téméraire. Mais ne disait-on pas que les Serpentard avaient un dédain naturel pour le règlement ? Louve n'avait pas de temps à perdre en conjectures. Armée de sa baguette magique, son sac en bandoulière, elle quitta donc les cachots alors qu'il était passé vingt-deux heures et se mit à errer dans les couloirs nocturnes seulement éclairés par des torches.

Louve s'était toujours demandée ce qui empêchaient ces satanés tableaux de cafter les élèves quand ceux-ci enfreignaient les règlement. Elle mit leur mutisme sur le compte de la fatigue et se concentra plutôt sur sa baguette. « Lumos. » Accélérant le pas, elle décida d'emprunter le chemin le plus court vers le quatrième étage en passant derrière une tapisserie malodorante. Un petit passage secret que Kade lui avait déjà montré : celui-ci trop paresseux pour marcher sur une longue distance, il allait de soit qu'il avait fini par trouver des manières d'échapper aux escaliers.

Elle venait à peine d'entrer dans la bibliothèque lorsqu'elle sentit une présence non loin de là. Son coeur bondit dans sa poitrine. Quelles étaient les chances que quelqu'un soit justement là en même temps qu'elle ? L'idée de croiser un professeur, bien qu'elle était déjà consciente des risques, commença sérieusement à l'inquiéter. Elle se cacha dans l'un des rayons - tout près de la porte de métal de la réserve - et attendit que cette mystérieuse personne passe devant.

Secouant sa baguette, elle marmonna un « Nox » rapide et ne bougea plus d'un centimètre. Elle entendait le son de sa respiration et trouvait que celui-ci était amplifié par rapport à son habitude. Si seulement les êtres humains n'étaient pas forcés de faire des sons en respirant ! Elle se rapprochait, cette mystérieuse personne ... Louve entendait les sons étouffés de sa voix, mais ne parvenait pas à saisir ce qu'elle disait. La lueur de la baguette de l'inconnu allait bientôt traverser les étagères juste à côté d'elle. Elle se colla un peu plus contre les tablettes pleines de livres et, sourcils arqués, tenta de discerner le visage de cet étudiant à travers la lumière du sortilège. Alors, les traits lui parurent particulièrement communs. Et, même si elle ne parvenait pas bien à discerner son visage, l'instinct avait déjà répondu à toutes ses interrogations. D'une voix sèche, presque réprobatrice, Louve s'exclama : « Djason ! Qu'est-ce que tu fiches ici, par Merlin ?? » Jetant des regards paniqués de droite à gauche, elle sembla un instant fâchée contre elle-même d'avoir crié.

Allongeant le pas jusqu'à lui, au bout de la rangée de livres, elle l'attrapa par le poignet et l'attira dans le rayon pour mieux lui appuyer son index sur le torse, le regardant avec sévérité malgré sa petite taille. « Je le savais ! Tu m'as suivi, c'est ça ? Hein ? Avoue-le. »

Il lui retournait la question ? Oopsie. Il est vrai que, sur le coup de l'émotion, Louve n'avait pas réfléchi aux conséquences qui découleraient de son approche envers son frère. D'ailleurs, qu'il déclare être là en connaissance de cause la poussa à froncer les sourcils. « Alors c'est Kade qui t'envoie ? » Djason confirma la chose en affirmant que le paresseux n'allait certainement pas se déplacer lui-même pour vérifier son hypothèse. L'érudit s'était donc rabattu sur le molosse de service de la famille. Il fallait bien admettre qu'il n'avait pas eu tort d'agir de la sorte.

Louve n'était pas certaine qu'elle aurait fait preuve d'autant d'imprudence si c'était le Serdaigle qui s'était pointé dans la bibliothèque à la place de Djason. Si d'abord il avait paru mécontent de l'angle que prenait la conversation, le Gryffondor se parait maintenant d'un regard dont la lueur était sans équivoque. L'idée d'explorer la réserve paraissait le séduire, lui aussi.

« Oh ! » fit-elle, d'un bond. L'effervescence de Djason se transmit rapidement à sa soeur lorsqu'elle comprit que le lion n'avait pas l'intention de la ramener par l'oreille jusqu'aux cachots. Cela signifiait donc qu'il était d'accord pour participer aux recherches. « D'après toi ? J'ai besoin d'un livre pour affiner mes connaissances. Et j'ai bien peur de ne pas pouvoir l'obtenir autrement qu'en m'y glissant en secret ... » murmura-t-elle en ayant toujours la paume posée contre le torse de son grand-frère. « Il faut être en dernière année pour accéder à la réserve. Et avoir une autorisation d'un professeur ... » Ces règles énoncées semblaient provoquer chez elle un agacement qu'elle peinait à dissimuler. Le regard posé sur la grille devant eux, elle appuya sa main contre sa hanche afin d'empêcher son dos de trop se fatiguer. Son autre main tenait fermement sa baguette magique. « Bon, voyons voir ... »

Serais-ce suffisant ?
« Alohomora ! »
Un cliquetis s'ensuivit, se réverbérant en échos dans la bibliothèque vide de monde. Le visage de Louve exprima une stupéfaction qu'elle n'aurait dévoilé qu'en présence de sa famille. « Aussi simple que ça ? » lança-t-elle en tendant la main pour pousser la grille. Un fin sourire se traça sur ses lèvres délicates tandis qu'elle tournait la tête vers son frère, savourant leur triomphe d'un regard complice.

Interloquée par le regard que son frère lui renvoya, la jeune Serpentard se demanda si celui-ci n'avait pas soudain mal au ventre. Cela dit, la raison de ce soudain changement d'humeur fut rapidement expliquée quand Djason décida de la prendre au creux de ses bras et de la remercier pour ses efforts. Bien entendu, Louve ne faisait pas tout ça pour recevoir les grands honneurs : à aucun moment elle n'avait rêvé gagner un quelconque trophée en récompense de ses efforts. Cette douce obsession n'avait qu'un seul et unique objectif et c'était de rendre le sourire à son père dans les moments les plus difficiles. Elle espérait aussi pouvoir libérer son frère de ses souffrances : être habité constamment par une sauvagerie incontrôlable n'avait sans doute rien de bien agréable. Face à la tendresse du Gryffondor, Louve abaissa sa baguette et appuya sa joue contre le torse du jeune homme. Elle pouvait entendre son coeur qui pulsait dans sa poitrine et ce simple son suffisait à la détendre. Il lui vint en mémoire de vagues souvenirs de réconfort, endormie dans les bras de son frère lors de nuits de pleine lune mouvementées et ses yeux furent, l'espace d'une seconde, traversés par des larmes qui refusaient de couler.

Levant le nez afin de mieux voir le visage de Djason, elle se permis un bref sourire, ses yeux irradiants de ténacité. « Je ne vais jamais abandonner. C'est que je vous aime trop. Aussi idiots et lourds que vous soyez ... » Ses joues se gonflèrent momentanément à la simple pensée de toutes les âneries que ses frères et même son père avaient pu faire au cours de sa courte vie. Ce n'était pas de tout repos, être la seule fille d'un clan déchu, mais elle ne doutait jamais. Elle avait sa place dans ce monde de brutes - aussi étrange que cela puisse paraître. « Allez, entrons. » ordonna-t-elle, ensuite, en se glissant derrière la grille. Les étagères semblaient vibrer d'une magie qui irradiait comme on sent le gaz s'échapper d'un tube malgré le fait qu'il soit invisible. « Ça me fiche un peu la trouille, tout ça. » admit-elle d'une expression incertaine, regardant de droite à gauche, les sourcils levés. « Voyons voir ... Il s'intitule Les Potions de grands pouvoirs. Tu m'aides à trouver ? » demanda-t-elle en tenant la main de Djason sans réellement le réaliser. C'est qu'on ne savait pas ce qui pourrait bien arriver ! Autant se protéger tant que c'était possible. Et quoi de mieux qu'un grand-frère pour cela ?